Débat sur la laïcité 11-04-2019
Déclaration des évêques catholiques du Québec à propos du projet de loi no 21 : Loi sur la laïcité de l’État
Montréal, le 16 avril 2019 — Suite à la présentation du projet de loi sur la laïcité de l’État par le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion à l’Assemblée nationale, le 28 mars 2019, les évêques catholiques du Québec tiennent à rappeler leur position sur cette problématique, déjà exprimée dans le communiqué du 6 mars 2019, dans lequel nous expliquions notre opposition à l’interdiction du port de signes religieux par les enseignantes et les enseignants.
Nous respectons la compétence de l’État québécois lorsqu’il affirme sa laïcité. Fonder cette affirmation sur le principe de la séparation de l’État et des religions et sur le principe de la neutralité religieuse de l’État signifie que l’État n’a pas de préférence en matière de religion, c’est-à-dire qu’il n’est ni pour ni contre une religion particulière, qu’il n’est opposé ni à la religion elle-même, ni à son expression dans la sphère publique.
En fondant aussi son affirmation sur le principe de l’égalité de toutes les citoyennes et citoyens et sur le principe de la liberté de conscience et de religion, l’État québécois montre par ailleurs qu’il reconnaît l’engagement pris par les États signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Or, l’article 18 de cette déclaration stipule que le droit à la liberté de conscience et de religion implique notamment la liberté de manifester sa religion. Le port de signes ou de vêtements témoignant d’une appartenance religieuse est donc un cas évident d’exercice de cette liberté fondamentale, dont la restriction ne devrait se faire que sur la base de raisons graves et inattaquables.
Il est légitime que l’État légifère sur le port de signes religieux par des personnes qui exercent au nom de l’État sa capacité de restreindre les droits et les libertés de ses citoyennes et citoyens. Les policiers et les avocats de l’État, par exemple, exercent ce type d’autorité coercitive. Il en va tout autrement des enseignantes et des enseignants. S’ils exercent une autorité sur les élèves qui leur sont confiés, cette autorité pédagogique n’a pas pour but de restreindre les droits et libertés des élèves. Il est par ailleurs erroné de penser qu’une personne qui porte un signe religieux ne respectera pas la laïcité de l’État dans son enseignement, et qu’une personne qui n’en porte pas la respectera.
La forme que prend le débat actuel sur le port des signes religieux par les enseignantes et les enseignants des écoles publiques nous fait donc passer à côté du véritable enjeu de leur responsabilité quant à la laïcité de l’État. Nous pensons au contraire qu’il faut apprendre collectivement à aménager une école ouverte et accueillante où puissent s’exprimer, dans le respect mutuel, les valeurs et les croyances des uns et des autres. Il s’agit d’un défi, mais surtout d’une chance de grandir comme collectivité. Il s’agit même d’une chance d’ouvrir et de baliser des voies que d’autres sociétés pourront suivre. Dans cet esprit, l’école est appelée à être un microcosme de notre société. Il faut y enseigner et y apprendre à apprécier la différence, à y voir une source d’enrichissement réciproque et d’interpellation mutuelle, fondée sur le respect et l’amitié.